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INTERVENTION DE FRANÇOIS GRUSON
Réalisée pour la Ville de Paris en association avec l’architecte Jacques Ferrier, la station de Joinville-le-Pont est une usine de traitement des eaux. Il s’agit d’une unité de production d’eau potable. L’eau, pompée dans la Marne et traitée dans l’usine, est destinée à alimenter environ les 2/3 des parisiens. Le site est de 17 hectares dont l’essentiel est constitué par des bassins filtrants.
Au centre du site s’élève une structure entre ouvrage d’art et bâtiment faisant 250 m de long par 100 m de large, qui fait l’objet du projet architectural.
L’ensemble du chantier s’est déroulé en 4 phases sur une durée de 7 ans, ceci afin de ne pas interrompre l’alimentation en eau potable. Le projet architectural repose sur un concept simple de casiers, qui sont qualifiés d’îlots industriels. Ces casiers reçoivent différentes strates de traitement, le traitement architectural règle à la fois l’échelle, le rythme et l’aspect. La question du parement est ici d’ordre industriel. Il s’agit en fait d’emballer les différents casiers contenant l’eau par un traitement de façade.
Dans un projet de ce type, il existe certaines parties qui relèvent de la compétence des ingénieurs et d’autres de la compétence des architectes. La cohérence globale du projet est de la responsabilité de l’architecte. Comme dans un projet urbain, un principe de façade et de rythme a été défini.
Ce projet se doit donc d’être à la fois d’ordre urbain, paysager et technique
A l’intérieur de ce principe, les ingénieurs ont pu réaliser les différents éléments du processus technique avec une grande liberté. Une distinction est très clairement établie entre d’une part les bétons qui sont de l’ordre de l’ouvrage d’art et du génie civil et d’autre part le béton de l’architecture. Ce dernier est conçu dés l’origine comme un béton bleu, constituant la signature du projet.
Il existe bien sûr au premier degré un rapport métaphorique entre le bleu de l’eau, le bleu du ciel et le bleu du béton.
Bien que possédant un très beau patrimoine végétal, l’usine est aussi implantée dans un milieu urbanisé.
Tous les ouvrages de génie civil ont été réalisés avant les parements qui furent mis en œuvre en une seule fois.
La volonté était d’avoir un parement de béton qui introduise une dimension de légèreté, d’évanescence”
ESTHÉTIQUE ET TECHNIQUE
Lors de l’étude du projet, la question de savoir comment réaliser les éléments de parement des façades s’est posée : panneaux de béton, bardages, lasure ou peinture, etc… Les parois en béton gris brut des bassins ont une hauteur de 7,80 m et peuvent descendre à moins 16 m au-dessous du niveau du sol. Les bassins sont remplis d’eau, jusqu’à 1 m de l’acrotère. Le Maître d’ouvrage a donc interdit de percer le béton au-dessous du niveau de l’eau dans les bassins. Le moindre trou peut en effet générer des fuites. De plus, les parois en béton des bassins ne sont pas parfaitement étanches. Sur leur face extérieure, il existe en permanence des suintements d’eau, qui finissent par cristalliser sous forme de coulures blanches de quartz. Il n’était, par conséquent, pas envisageable de laisser les parois en béton brut visibles. Tous ces paramètres ont conduit à l’idée de construire en quelque sorte une contre-façade.
Cette dernière n’est pas posée au sol, mais suspendue en partie supérieure, au niveau des toitures.
Chaque panneau de cette façade mesure 3,20 m de large par 7,80 m de haut. Il est suspendu par deux bretelles en inox, qui autorisent un réglage dans toutes les directions. Elles sont fixées dans les éléments de la structure porteuse par des chevilles chimiques.
Chaque cheville est prévue pour porter le poids total du panneau et pour résister à l’effort d’arrachement en cas de rupture de l’autre cheville. Le fait de suspendre les panneaux évite les problèmes de flambement du panneau. En partie basse de chaque élément, une pièce spécifique sert d’ancre au vent et permet de régler la planimétrie avec un système de vis sans fin, afin d’obtenir un alignement milimétrique de toutes les pièces. Des façades de 7,80 m de hauteur, longues de 2,50 m et ne possédant aucune ouverture ont un aspect massif.
La volonté était d’avoir un parement de béton qui introduise une dimension de légèreté, d’évanescence.
BÉTON POLI BLEU
Un bâtiment d’une telle taille, d’une telle importance et présentant un tel caractère vital pour la ville fait parti de ses monuments. Cette dimension monumentale est prise en compte dans le projet. Ce bâtiment reçoit aussi des visiteurs. Si ici l’eau est omniprésente, elle n’est jamais visible pour le visiteur comme pour le passant extérieur. Dans le projet, sa présence est exprimée par un coursier d’eau et par une fontaine. Dans le même esprit, une partie du traitement industriel est dévoilée et mise en avant pour le visiteur. Le choix des panneaux polis en béton est une façon d’exprimer la présence de l’eau. Au-delà de la couleur de l’eau, ce béton bleu évoque aussi l’effet du processus industriel qui filtre et donne sa pureté à l’eau pompée dans la Marne. Il y a aussi le souci de mettre en valeur la noblesse de l’activité de production d’eau.
INTERVENTION DE FLAVIO GHERARDI
Les façades du quadrilatère sont constituées avec des panneaux totalement lisses. Pour toutes les façades situées à l’intérieur du site industriel, les panneaux ont des empreintes circulaires, qui montrent le béton non poli. Comme elles sont vues de plus près, ces empreintes permettent de réintroduire une échelle plus à la dimension de l’homme.
Pour réaliser ces panneaux bleus, des éléments en pâte de verre bleue ont été intégrés au béton. Sur les conseils de Jean-Pierre Aury, des granulats oranges sont aussi mis en œuvre et donnent sa luminosité au parement. Toute la pâte de verre utilisée a été fabriquée par des mosaïstes, M. et Mme Albertini. La pâte de verre et le béton sont colorés à l’oxyde de cobalt.
Le choix de l’entreprise chargée de la préfabrication des panneaux s’est effectué dans le cadre d’un concours.
En parfaite conformité avec le code des marchés publics, ceci a été fait en accord avec le maître d’ouvrage.
Chaque entreprise concurrente a remis un chiffrage et présenté un panneau constituant une référence garantissant ce qu’elle était capable de produire.
La production des panneaux préfabriqués en béton poli de ce chantier est avant toute chose le résultat d’un véritable travail d’équipe
FABRICATION DES PANNEAUX
La production des panneaux préfabriqués en béton poli de ce chantier est avant toute chose le résultat d’un véritable travail d’équipe.
Avec la collaboration de l’architecte et de Jean-Pierre Aury, tous les ouvriers ont été sensibilisés aux objectifs de qualité et d’esthétique de ces panneaux.
Il est très important que les architectes s’impliquent dans la production et viennent dans l’usine.
Le deuxième paramètre très important est celui du coût qui doit correspondre à la qualité souhaitée, ce qui était le cas pour ce projet.
Enfin, le dernier paramètre est le délai.
Là aussi pour certains niveaux de qualité, il faut du temps. Chaque panneau est coulé en bicouche dans l’usine sur une table relevable. Le béton bleu contient des éclats d’émail bleu. Ils sont obtenus à partir de plaques d’émail fabriquées artisanalement et qui sont concassées dans l’usine. Dans ces panneaux bicouche, la couche de béton bleu est épaisse de 5 cm. Elle est coulée en premier. Sa mise en œuvre correspond à la phase la plus délicate de la fabrication du panneau. Elle est appliquée à la main, au râteau, à la pelle et à la truelle, pour avoir une répartition uniforme.
- L’étape suivante est la mise en place du ferraillage.
- Puis intervient le coulage de la couche de béton gris de type CEM III/C et l’installation des suspentes.
- Le décoffrage est effectué en moyenne 10 heures après le coulage.
- Le panneau est stocké dans l’usine et mis à sécher pendant 28 jours.
- Après cette période intervient le polissage du béton bleu. Le polissage s’effectue en 6 passes et enlève environ 2 mm de matière pour obtenir le parement lisse souhaité.
- Avant la fabrication en série, des prototypes ont permis de valider tous les points. Tout a aussi été mis dans un cahier des charges précis et rigoureux.
- Une fois terminés, les panneaux sont tous inspectés par les responsables qualité de l’usine.
- Ils sont ensuite tous réceptionnés par l’architecte et le conseil en béton architectonique avant leur départ pour le chantier. Il existe trois réceptions : une au départ de l’usine, une à l’arrivée sur le chantier et une en fin de pose.